Pourquoi on les appelle pas Cahorsins ? – 2/3

Pourquoi on les appelle pas Cahorsins ?

Bonjour à toutes et à tous,

Rappelez-vous dans mon précédent article, j’étais partie à la découverte du nom des habitants de Cahors et surtout je voulais répondre à la question : pourquoi cadurciens et pas cahorsins ? J’avais terminé mon article sur le fait que l’Église avec un grand E n’aimait pas du tout les marchands-banquiers. Je vais maintenant vous dire pourquoi.

LUTZELBURGER Hans, L’Avocat, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, gravure sur bois, XVIe siècle.
Permalien : https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020574868

Il est de notoriété historique que les commerçants n’ont pas toujours été vus d’un très bon œil par l’Église. Très tôt ils ont été rangés dans la catégorie des métiers interdits illicita negocia dont font partis les prostituées, les bouchers, les médecins, les avocats1 (voir gravure ci-contre : on voit bien dans cette gravure une dimension mortifère conférée à la fonction d’avocat par l’artiste.)

Alors pourquoi l’Église rejette t-elle le commerce et ses pratiquants ? Il y a deux raisons à cela, les voici.

Premièrement, le commerce et l’acte d’achat-revente revêt selon l’Église un certain désir de posséder, d’amasser de l’argent, d’avoir toujours plus de possessions matérielles ce qui est synonyme de pêcher : avarice et envie. Ce sont deux des pêchers contre lesquels l’Église lutte le plus férocement au Moyen-Âge. L’Église va ainsi faire un raccourcis entre les notions actuelles (de notre XXIe siècle) de marchand et d’usurier. Pour rappel, à l’heure actuelle, un usurier est une personne qui pratique un taux d’intérêt abusif c’est à dire supérieur aux taux maximums fixés par la loi. Donc pour l’église toute personne faisant commerce ou ayant un contrat impliquant la présence d’intérêts est considéré comme de l’usure alors que l’essence même du commerce repose sur le fait de faire des bénéfices. D’ailleurs les textes religieux disent :

« Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêts. » (Deutéronome XXIII, 19-20, Exode XXII, 25, et Lévitique XXV, 35-37).

Deuxièmement, c’est l’intérêt en lui même que la religion chrétienne n’accepte pas. Comment le temps peut-il créer de l’argent ? Et à qui appartient-il ? Dans la conception chrétienne, tout enrichissement vient de la création, de la fabrication, hors, en prêtant de l’argent, on ne crée rien du tout. C’est comme si le temps, entre le prêt et son remboursement, pouvait être monétisé, vendu, ou acheté. Pour la chrétienté, le temps n’appartient a personne si ce n’est à Dieu.

Sauf que voilà, la réalité est toute autre. L’Église et l’économie marchande ne sont pas si ennemies que cela. En relisant bien les textes de l’époque et notamment ceux édités par le Vatican et consorts, on se rend compte que finalement, les commerçants et marchands étaient plutôt bien protégés par la religion. Par exemple les marchands faisaient partie des personnes qui n’étaient pas obligés de se reposer le dimanche (car c’était bien obligatoire à l’époque) ni de pratiquer le jeûne (carême). L’église invoquait la fatigue, les déplacements, les délais de livraison. De plus alors que la théorie dit que le commerce est une activité de basse condition, comme la prostitution, on retrouve les marchands en bonne position entre les clercs et les pèlerins dans la protection de la « Paix de Dieu ».

De plus lorsqu’un marchant arrive dans un port, passe un pont, entre dans une ville, le marchant doit payer des taxes, des impôts. Certaines de ces taxes allaient directement dans les caisses du roi ou du seigneur, mais souvent cet argent se retrouvait dans les poches de l’évéché. Prenons la taxe de l’octroi : elle était payée par le marchand lorsqu’il entrait dans une ville pour y vendre sa marchandise. Elle était payée à la ville. Si la ville était sous autorité d’un seigneur l’argent allait au seigneur, si la ville était une cité épiscopale (comme Cahors) la taxe allait directement dans les poches de l’évêque. Même chose pour le droit de péage. Pour résumer la chose, les marchands étaient plutôt appréciés par l’Église car ils généraient des revenus, souvent importants. De plus, nous en reparlerons tout à l’heure, les usuriers, jusqu’au XIVe siècle étaient eux aussi protégés par l’Église pour des raisons similaires.

Parmi les marchands-banquiers, une nouvelle espèce de banquier naquit : les usuriers. Dans mon prochain article, au travers de l’exemple des cahorsins nous verrons comment les usuriers sont passés de petits banquiers pour des prêts à la consommation, à des personnes influentes puis leur chute brutale et le reniement du soutient de l’église et du royaume pour leurs activités.

1LE GOFF Jacques, Marchands et banquiers du Moyen-Âge, Ed. Que sais-je ? , Paris ,2001, page 69.

Historiquement vôtre, 

Lauriane