Pourquoi on les appelle pas Cahorsins ? – 3/3

Pourquoi on les appelle pas Cahorsins ?

Bonjour à toutes et à tous,

Nous voici donc arrivés au dénouement de la question : pourquoi les habitants de Cahors s’appellent-ils les cadurciens et non les cahorsins. Nous avons succinctement vu dans un premier article l’évolution du métier de marchand au Moyen-Âge, puis dans un second la nouvelle fonction du marchand-banquier. Aujourd’hui nous allons voir que les usuriers qui se faisaient appeler les cahorsins.

Sur les origines de ces usuriers que l’on nomme Cahursins ou Caorsins, les sources ne sont pas tout à fait d’accord. Les sources françaises, nous informent que ces Cahursins sont originaires de Lombardie, en Italie, mais lorsque l’on étudie des sources italiennes, elles nous disent que ces personnages n’ont rien à voir avec l’Italie et sont français. Dans l’ouvrage que j’ai trouvé à la Bibliothèque Patrimoniale de Cahors, l’auteur est persuadé que Cahors était alors la capitale des usuriers, cependant, il nuance son propos en disant que l’on retrouve ces mêmes cahorsins en Angleterre. Pour en finir sur les origines de ces usuriers Jacques Le Goff le dit lui même :

« terme générique qui probablement ne répondent pas à une origine géographique précise1 ».

Toujours est-il que comme partout, on se renvoie la patate chaude ! Leur nom Cahursins ou Caorsins laisse quand même présager de leur identité. Lorsqu’on regarde l’évolution du nom de la ville de Cahors au fil de l’Histoire on se rend compte qu’au XIIIe siècle, Cahors s’appellait Caours ou Cahours ce qui est relativement proche de Caorsins ou même de Cahursins.

BRICHET François-R.-F., L’Usurier, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, L 376 LR/61 Recto, gravure eau forte. © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) – Tony Querrec
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl020615900

Alors qui étaient des usuriers supposément originaire de la ville de Cahors ? Selon Jacques Le Goff, les Cahursins ou Caorsins étaient plutôt des prêteurs sur gages pour des petits prêts à la consommation. Cependant, pour assurer l’argent qui était prêté par les usuriers de Cahors aux particuliers, ils avaient l’habitude de prendre des gages comme garanties. Cela pouvait être de l’argenterie, des vivres, un animal.

En regardant de plus près les anecdotes de la vie quotidienne du Moyen-Âge, on se rend compte que les cahorsins ne prêtaient pas seulement aux personnes du peuple mais aussi à l’évêque de Cahors. Il faut savoir que Cahors était au Moyen-Âge une cité épiscopale, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de roi ni de seigneur pour diriger la ville, mais un évêque. Un de ceux-là, Gérault IV, au retour de la croisade contre les albigeois qui l’avait mis sur la paille, se retrouva a emprunter de l’argent aux usuriers de Cahors. Pour assurer son prêt, celui-ci mit en gage une maison de ville dans le centre de Cahors. Mais le jour où l’évêque dû rembourser la somme, il n’avait pas les fonds. De ce fait, la maison qui appartenait à l’évêque mais aussi à l’évêché passa aux mains des usuriers qui purent en faire ce qu’il voulaient. Une autre histoire de prêt non remboursé a posé sa marque sur la ville de Cahors. Connaissez-vous la zone commerciale de E.Leclerc qui s’appelle la Z.A.C. De La Plaine De Labéraudie ? Savez-vous d’où vient le nom de Labéraudie ? Et bien figurez-vous que cela vient du Moyen-Âge. Je vous raconte l’histoire…
Au XIIIe siècle, un des évêques de Cahors a été obligé de faire un emprunt monétaire auprès de « banquiers-marchands » afin de maintenir son train de vie. Ces banquiers/marchants/usuriers avaient pour nom de famille les Béral. En guise de caution pour ce prêt, les évêques mirent en gage la terre de Cessac, un peu au nord de la cité de Cahors. Comme vous vous en doutez, le jour J, l’évêque ne put rembourser la somme prêtée. Alors les cahursins devinrent les nouveaux propriétaire de la terre de Cessac et elle rentra dans le domaine des Béral. Ces terres changèrent de nom pour La Béraudie.

Lorsque je vois les usuriers de Cahors, les Cahursins ou Caorsins, je vois cela comme une espèce de mafia, un peu comme dans les films. Et ce qui renforce mon sentiment ce sont ces faits rapportés dans l’article que j’ai déniché à la Bibliothèque Patrimoniale de Cahors. Tout d’abord, il faut se rappeler que le terme de mafia définit toute association de personnes servant leurs intérêts et ayant souvent recours à la violence2. Les usuriers de Cahors prêtaient avec un taux variant entre 5 et 20%. Il faut savoir que pour ceux qui comme les évêques avaient suffisamment de patrimoine pour engager des terres qui satisferont les usuriers en cas de non paiement, ce n’était pas de cas de tout le monde. Certains emprunteurs, avec peu de moyens notamment, avaient beaucoup de difficultés a rembourser. Alors les usuriers employaient des moyen peu orthodoxes pour récupérer leur argent : cela commençait avec des frais supplémentaire à rembourser en cas de retard, puis si cela ne suffisait pas, ils effrayaient la famille de l’emprunteur, leurs employés, les voisins, avant de tout simplement piller la maison et exproprier les habitants.

Bien que les sources actuelles confirment que les Cahursins ou Caorsins n’ont pas comme origine la ville de Cahors, cette dernière a décidé d’effacer ce rapprochement, cette infâmie en changeant le nom des habitants de sa ville. Ils ne voulaient pas être associés aux usuriers, violent apparentés à la mafia. Afin de changer de nom, l’on est remontés aux premiers habitants de la péninsule du Lot, les Cadurques, pour extraire le nouveau nom des habitants : les cadurciens.
Cependant, ce nom risque de coller encore un temps aux baskets de ceux qui vivent à Cahors car Dante Alighieri, poète italien du XIIIe siècle en parle dans son célèbre Enfer en disant vers 51 :

« et donc le cercle plus étroit marque de son fer Sodome et Cahors qui parle en méprisant délibérément Dieu… »

1 LE GOFF Jacques, Marchands et banquiers du Moyen-Âge, Ed. Que sais-je ? , Paris ,2001, page 35.

2 Dictionnaire Larousse.

Historiquement vôtre,

Lauriane