Plan de l’Abbaye de Saint-Gall IXe siècle

Bonjour à toutes et à tous,

Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’un document que j’ai étudié dans ma scolarité et qui m’a beaucoup marqué puisque six ans après je m’en souviens encore comme si c’était hier. Ce document est le plan prévisionnel de l’abbaye de Saint-Gall (en Suisse actuellement). Ce plan a été réalisé avec une encre de couleur rouge, au début du IXe siècle sur un ensemble de cinq feuillets de parchemin cousus ensemble. Le parchemin est la peau d’un animal : ovin, caprin, bovin, qui a été traitée pour l’écriture et l’enluminure. Cette pièce est exceptionnelle car c’est l’unique plan d’architecture conservé depuis la chute de l’empire romain en 476 après J.C. Ce document décrit avec force de détails un ensemble de bâtiments pouvant servir un monastère en autarcie complète : on peut y dormir, y manger, instruire, étudier, réaliser tout un tas d’objet d’artisanat et même de la bière. En somme c’est le plan du monastère bénédictin idéal. Ce document du début du IXe siècle répond à la problématique de la règle bénédictine qui prévoit un total isolement par rapport à la population et ce, dans le but d’atteindre une communion avec le divin.

Dessin de l'Abbaye de Saint-Gall selon le plan originel réalisé au Moyen-Âge
Dessin réalisé au XIXe siècle et représentant l’Abbaye de Saint-Gall à partir du plan idéal réalisé au IXe siècle.

Pour poser le contexte de cette création médiévale (il ne faut pas dire moyenâgeuse c’est péjoratif), nous allons parler dans un premier temps de la création de l’abbaye de Saint-Gall. Ses origines remontent à 612 de notre ère grâce au moine irlandais du nom de Gallus qui décida de s’implanter dans le village de Saint-Gall en s’entourant de coreligionnaires (personnes pratiquant la même religion) mais aussi d’intellectuels. Environ un siècle après l’installation du moine Gallus, c’est l’évêque Otmar qui reprend la direction de l’abbaye et qui décide de la transformer en monastère. Ce fut alors le tout premier monastère a être fondé sur l’actuel sol suisse et il adopta la règle de Saint-Benoît de Nursie.

En quelques mots, la règle de Saint-Benoît organise la vie spirituelle et quotidienne des moines : huit prières par jour, travail manuel agricole et / ou artisanal, recherche d’une certaine autonomie alimentaire sans sortir de l’enceinte du monastère, et ce qui prime sur tout cela c’est l’instruction avec la lecture et l’écriture.

Grâce à la Renaissance Carolingienne du VIIIe et IXe siècle, une impulsion est donnée depuis Aix-la-Chapelle, lieu de résidence et de pouvoir de l’Empire Carolingien, afin de renouveler et réformer d’une part la foi Chrétienne mais aussi d’autre part l’enseignement (aux clercs et aux laïcs).

Ah qui ne connaît par la fameuse comptine pour enfant « Sacré Charlemagne ! »… Bref !

Par la suite de cette Renaissance Carolingienne qui constitue un bond en avant (j’expliquerai tout ça dans un autre article, n’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil), les scriptoria1, sont devenus des lieux incontournables pour la rédaction de manuscrits qui serviront de support à l’instruction mais aussi à la création. D’ailleurs c’est dans un de ces scriptoria que l’on créa ce plan magnifique.

Plan original de l'Abbaye de Saint-Gall en Suisse.
Plan de Saint Gall (St Gallen, Stifts-Bibliothek, Ms. 1092)

Ce plan répond à toutes les problématiques que pourrait poser un monastère en autarcie : en premier lieu où exercer sa foi. On peut voir dans le centre du plan cette basilique à double abside opposées. Ce n’est pas commun comme plan mais pas non plus exceptionnel. Il y a deux autres lieux de prière à l’est de la basilique qui son plus petits et consacrés à une autre population : l’église de l’hospice et l’église des novices.

Puis au sud de la basilique, le cloître répond aux deux questions essentielles suivantes : où manger et où dormir avec les dortoirs et le réfectoire pour les moines résidents. De plus, grâce à ce plan on peut abattre un des mythes du Moyen-Âge sur l’hygiène : deux petits bâtiments sont consacrés aux bains pour l’hospice et les novices.

Ensuite, comme je le disais plus tôt, il faut pouvoir se soigner et faire à manger au sein même du monastère puisque dans l’idéal de la règle bénédictine, il faudrait pouvoir être en totale autarcie. C’est donc là qu’interviennent une infirmerie, un hospice et la maison pour un médecin ainsi qu’un jardin pour les herbes médicinales appelées les simples. Concernant l’alimentation on peut voir sur le plan une ferme avec des ovins, des caprins, des bovins, des porcins et des équidés ainsi que des volailles (les poules et les oies). On remarque aussi qu’il y a une grange et des celliers pour conserver la nourriture mais aussi des lieux de transformations comme une tonnellerie pour fabriquer les tonneaux pour la fabrication du vin, mais aussi un moulin pour la farine ainsi que des fours.

Voici un plan un peu plus lisible que l’original.

Plan réalisé à partir du plan originel pour une lecture plus aisée.
Plan de Saint Gall, réalisé à l’ordinateur selon le plan originel exposé à la bibliothèque de l’Abbaye de Saint-Gall (Suisse)

Le travail artisanal n’est pas laissé de coté non plus pour la fabrication d’objets soit du quotidien soit pour la liturgie puisqu’il y a des orfèvres, des forgerons et même un fabricant d’épées.

Pour terminer, on remarque que l’observance stricte de la règle bénédictine dans ce plan n’est pas vraiment respectée car il y a un hospice (une sorte d’hôpital) qui n’est pas seulement réservé aux moines, une école (pour les laïcs), mais aussi un hôtel (pour les visiteurs dits de marque).

Cependant, bien que ce plan soit très important pour l’Histoire, il semble que ce plan n’ai jamais été appliqué. En effet certains indices nous laissent plutôt croire que ce plan est une sorte de plan idéal pour un monastère : pas d’orientation, pas d’échelle et il manque aussi les lieux de culture des céréales par exemple.

  1. Scriptoria (au singulier scriptorium) sont des lieux de fabrication, comme des ateliers où les moines reproduisent et recopient des livres ou des ouvrages religieux que leurs commandent généralement les personnes fortunées du Moyen-Âge.

Historiquement vôtre,

Lauriane.