Bonjour à toutes et à tous,

Dans la continuité du premier article que j’ai publié sur l’image de Jésus, je vais vous donner les clés pour reconnaître le Tétramorphe. Mais vous allez me dire qu’est-ce que c’est le tétramorphe et que représente t-il dans la religion chrétienne ? Le tétramorphe est un therme que l’on peut décomposer en tetra (en grec ancien cela signifie le chiffre 4) et morphe (là aussi en grec ancien qui signifie forme). Donc si on traduit cela donne les quatre formes. Et elles représentent un ensemble de quatre personnages ayant pour particularité d’être à la fois sous forme humaine ou animale, toujours ayant des ailes.

Oui je sais cela fait très science fiction ou fantastique. Et si on enlève la dimension biblique cela pourrait faire une bande de super héros 🙂 . Mais on est dans la vraie vie donc revenons aux choses sérieuses.

Portail Sud de Moissac (82)
Portail sud de l’Abbaye Saint-Pierre de Moissac (82)

Historiquement, le tétramorphe serait apparu au cours du VIe siècle av. J.C., dans la vision Ézéchiel (pour ceux et celles qui se le demandent c’est un prophète) présente dans le livre de l’Ancien Testament (Ez 1 ; 1-14). Voici le passage le plus important de cette vision : « … elle paraissait une forme humaine. Ils avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes. La forme de leurs visages, c’était visage d’homme et, vers la droite, visage de lion pour tous les quatre, visage de taureau à gauche pour tous les quatre, et visage d’aigle pour tous les quatre. » (Ez 1, 10).

Ce n’est que par la suite au second siècle de notre ère, que l’on décida d’associer ces quatre figures aux Quatre Vivants, c’est-à-dire, les quatre Évangélistes, Matthieu, Marc, Luc et Jean. Ce fut Irénée de Lyon, évêque de cette même ville entre 177 et 202 ap. J.C., qui fit cette association qui restera dans la tradition de la représentation chrétienne des Quatre Évangélistes.

Comment a t-on décidé d’associer Matthieu à l’Homme, Marc au lion, Luc au bœuf et Jean à l’aigle ? Pour faire ces associations, on s’est référé aux débuts de chacun des évangiles. Regardez !

Commençons par Matthieu, dans les premières lignes de son évangile, celui-ci retrace la généalogie du Christ depuis Abraham (connu pour le sacrifice de son fils) jusqu’à Joseph qui épousa Marie : « Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham. » (Matthieu 1,1). C’est donc en toute logique que Matthieu prit la figure de l’Homme, vue par Ézéchiel lors de sa vision au VIe siècle av. J.C.

Puis Marc fut associé au Lion pour cette phrase tirée de son évangile : « Voix de celui qui crie dans le désert. » (Marc 1,2). La légende de cette attribution viendrait du fait qu’à l’époque où l’on a rédigé ce texte, il y avait encore des lions dans le désert. Bien que je pense que le désert auquel on faisait référence à l’époque était plutôt que ce nous, aujourd’hui, nous appelons la savane.

Saint-Jean l'Evangéliste
Musée du Louvre
Saint-Jean l’Evangéliste
Musée du Louvre,
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010101068

Pour Luc, cette interprétation est un peu plus fantaisiste, si l’on puis dire sans offenser. Le début de l’évangile parle d’un homme appelé Zacharie qui est de service au temple (juif) et qui doit faire l’offrande de l’encens. Selon certaines théories, on a attribué à Luc ce bœuf (on trouve aussi le taureau) car aux temps des païens l’offrande était associée au sacrifice d’un bovin. Or chez les juifs, nul sacrifice d’animaux, mais cette référence est restée.

Enfin abordons Jean qui est représenté sous la forme d’un aigle. Son évangile commence par le mystère céleste, c’est à dire la création du verbe et de la lumière. On l’associe à l’aigle car c’était et c’est toujours un animal capable de voler très haut dans le ciel ce qui fait référence au fait que dans son écrit Saint-Jean l’Évangéliste s’est élevé très haut (comme l’aigle) pour comprendre les mystères du Verbe qu’il énonce au début de son évangile. Le « Verbe » est la voix venue du ciel, la voix de Dieu et si l’on image ceci, l’aigle serait un des premiers à avoir entendu le verbe.

Maintenant, comment les reconnaître : on les reconnaît surtout grâce à leurs attributs de nature animale que je vous ai cité plus haut. De plus, s’il sont sous forme animale, ce sont les seuls animaux pourvus d’un nimbe (auréole). Enfin pour être bien sûrs que c’est le tétramorphe qui est représenté, on remarque que ce sont un homme et trois animaux porteurs d’ailes comme s’ils étaient des anges.

On remarquera aussi que dans les différentes représentations du tétramorphe, que se soit sous forme de sculpture ou d’enluminure, l’Homme et l’Aigle sont dans les registres supérieurs tandis que le Lion et le Boeuf, animaux appartenant plus au registre de la terrestréité sont dans les registres inférieurs.

Détails du portail nord de la Cathédrale Saint-Etienne de Cahors
Détails du portail nord de la Cathédrale Saint-Etienne de Cahors

La Cathédrale Saint-Etienne de Cahors possède un exemple du tétramorphe sur son portail nord.

Cependant, comme vous pouvez le remarquer sur cette image, il y a des manques sur la sculpture : il manque les pieds de Matthieu, on ne voit qu’un sabot et les ailes du boeuf de Luc, Marc est à peine dicernable sans parler de Jean qui semble avoir complètement disparut.

Historiquement vôtre,

Lauriane.